L’extérieur physique est perçu comme un danger, l’extérieur virtuel comme rassurant.
Les temps, de présence dans les espaces publics sans l’accompagnement d’un adulte, de jeux à l’extérieur, ont diminué dans des proportions qui pourraient être inquiétantes et cela au profit d’endroits privés et clos et d’activités encadrées et sédentaires ; l’extérieur qui permet l’échange prévu et imprévu devient virtuel.
Le rêve d’Elon Musk ne sera pas loin si nous continuons à fabriquer des « enfants d’intérieur » dans un monde qui se replie sur lui-même, se calfeutre, se pelotonne.
Emerge la pensée du livre d’Ira Levin paru en 1970 « Un bonheur insoutenable » : dans un futur dystopique, un super-ordinateur gère chaque aspect de la vie humaine. Les individus vivent dans un confort absolu, mais n’ont pratiquement plus besoin de sortir de chez eux. Toute interaction sociale est médiée par la technologie ; la liberté individuelle a disparu….
Choisir cet avenir peut questionner ; il évoque un monde dans lequel l’enfance elle-même est enfermée, normée, privée du désordre et de la liberté du dehors. C’est le rêve d’une société qui voudrait tout contrôler, jusqu’à l’instinct même de l’enfant, en le façonnant dès le plus jeune âge pour qu’il s’adapte sans résistance.
Dans un tel monde, les enfants grandissent dans des espaces clos, protégés de tout imprévu, éduqués à travers des écrans, des programmes bien calibrés, des protocoles comportementaux stricts. Le jeu libre disparaît au profit d’activités proposées, encadrées, optimisées. Le corps devient un simple support, oublié, discipliné, affaibli par le manque de mouvement, par l’absence du vent, de la pluie, de l’effort de grimper aux arbres ou de courir dans la boue. Tout devient simulation sous couvert de sécurité.
Cette protection ne se limite pas à l’espace physique. Elle s’insinue dans la pensée, dans les émotions. Les enfants apprennent à ne pas trop rêver, à ne pas trop questionner, à s’adapter, à ne pas déranger. Vient la peur du dehors : trop dangereux, trop sale, trop imprévisible. Petit à petit, ils s’habituent à la cage. Certains finissent par ne plus vouloir en sortir.
Une réalité qui s’enracine au travers de cette non-identité d’« enfants d’intérieur », dont l’expression individuelle peine à éclore, faute d’expériences vivantes, sensibles, partagées avec le dehors. Le monde reste souvent hors de portée, non par rejet, mais par habitude de l’absence. Pourtant, cette expression de liberté sommeille toujours, intacte, en attente d’un espace pour se dire.
C’est dans ce contexte de choix de société que l’école « dehors » prend tout son sens.
Elle devient un espace de résistance. Elle rouvre les portes, remet du vivant là où il n’y avait plus que du calcul. Elle redonne aux enfants le droit de se salir, de tomber, de toucher, d’expérimenter par eux-mêmes. Elle leur rappelle que la vraie connaissance ne vient pas toujours d’un écran, mais d’un sentier parcouru à pied, du bruit des feuilles agitée par le vent, de la surprise d’un insecte découvert sous une pierre… une forme de « laboratoire » de la frugalité heureuse basée sur la richesse des sens, des liens et du savoir.
Dans cette logique, l’école dehors repose sur une vision du monde qui privilégie la simplicité, le lien avec le vivant et une approche épurée de l’éducation et de la vie. Elle s’inscrit dans une quête plus large de résilience, d’autonomie et de bien-être ; face à un monde qui veut lisser et contrôler, l’enfance « de l’aventure » reste une force précieuse, une forme de liberté qu’il faut préserver.
L’école dehors n’est pas juste une alternative pédagogique ancrée dans le réel. C’est une reconquête, une insoumission, un rapport au temps différent. Une manière de dire que l’humain ne peut pas être réduit à un être enfermé chez lui, en lui, docile et obéissant.
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