L’écologie n’est pas punitive. Ce qui punit, c’est l’absence de sens

[Actus … lois Duplomb etc)

Oui, depuis plusieurs mois, l’écologie semble reculer. Oui, les ZFE, la loi ZAN, la rénovation thermique, les régulations agricoles font l’objet de reculs gouvernementaux majeurs. Et oui, à chaque fois, ces abandons sont salués ou exigés par des fractions de la population qui se sentent prises au piège. Mais ce que cette situation illustre, ce n’est pas que l’écologie est « par nature punitive », comme le suggère de plus en plus les porteurs du slogan « l’écologie ça suffit », c’est qu’elle est aujourd’hui déconnectée de ses fondements humains, affectifs, moraux et sociaux.

Ce que l’on appelle ici « écologie » est en réalité une version amputée de l’écologie politique : un environnementalisme technocratique, souvent perçu comme imposé d’en haut, sans ancrage relationnel, sans pédagogie, sans souci des vécus concrets. Cette écologie-là n’est qu’un outil sans boussole, et donc un instrument de tensions. Elle n’a ni visage, ni voix empathique : elle chiffre, norme, réglemente – mais elle ne parle pas de justice, de soin, de solidarité.
Le problème n’est pas l’écologie : c’est sa déshumanisation.

Ce que propose une écologie politique digne de ce nom, c’est tout autre chose. C’est une refondation du lien entre les êtres humains, entre les générations, et avec le vivant. C’est une vision fondée sur quatre contrats essentiels :

  1. Un contrat moral, qui affirme notre responsabilité collective et intergénérationnelle : il ne s’agit pas d’obéir à des lois abstraites, mais de reconnaître la dignité de chaque être humain et du vivant comme des fins en soi.
  2. Un contrat affectif, qui réintègre la vulnérabilité, l’attachement, la réciprocité émotionnelle. L’écologie devient alors une affaire de soin et non de sanction.
  3. Un contrat domestique, qui redonne de la valeur à la sphère du proche, à la vie quotidienne, aux gestes ordinaires souvent invisibles, mais essentiels. C’est ici que l’on peut créer de la résilience sans violence sociale.
  4. Un contrat écologique, enfin, qui nous repositionne au sein des écosystèmes, en appelant à une justice pour le vivant, et pas uniquement à une gestion technique des risques.
    Ce qui échoue, ce n’est pas l’écologie, c’est le manque d’écologie politique.

La colère des classes populaires est légitime lorsqu’elle sent qu’on lui fait porter la charge d’une transition mal pensée, injuste, sans redistribution ni dialogue. Mais cette colère ne vise pas l’écologie dans son essence, elle vise un mode de gouvernance brutal et vertical, qui traite l’écologie comme un médicament amer à faire avaler à coups de menaces.
Dire que l’écologie est punitive, c’est comme dire que la justice est punitive : cela dépend de la manière dont on la met en œuvre, de la manière dont on en parle, de la manière dont on l’habite. Le soin, la participation, la reconnaissance, la redistribution : voilà les conditions sans lesquelles la transition écologique ne sera qu’un enchaînement de conflits.
L’écologie n’a pas échoué : c’est sa réduction technocratique qui échoue.

Les reculs politiques récents ne doivent pas nous faire croire que l’écologie est impossible. Ils doivent nous faire comprendre que l’écologie sans cœur, sans voix, sans justice est inaudible. Le refus populaire est un symptôme, non d’un rejet de la planète, mais d’un besoin d’une écologie incarnée, humaine, compréhensible, juste.

Alors non, l’écologie n’est pas nécessairement punitive. Elle est exigeante. Elle demande des efforts, mais elle demande surtout du sens. Et ce sens, c’est à l’écologie politique – au vrai sens du mot politique, celui qui parle du vivre ensemble – de le rétablir.


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