S’engager résolument pour une rupture civilisationnelle.
Dès aujourd’hui, faisons front !
Face à la fragmentation des causes de tensions et à l’essoufflement des grands récits d’émancipation, il devient urgent de réarticuler un projet commun, qui conjugue justice sociale, respect du vivant et dignité humaine.
Les dominations sont multiples, systémiques mais non réductibles à un même schéma. L’exploitation persiste, mais son langage s’est affaibli. La gauche s’est morcelée en luttes parallèles, parfois concurrentes, souvent désincarnées. Pendant ce temps, la promesse d’une vie meilleure s’est éloignée pour les classes populaires, qui se détournent d’un combat devenu illisible.
Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible.
Antoine de Saint-Exupéry
La post-croissance propose de reprendre pied dans le réel : non pour effacer les luttes, mais pour les replanter dans un terrain fertile et praticable. Elle articule une critique de l’exploitation économique, des dominations sociales et culturelles (masculine, raciales, coloniales… copiée sur le modèle patriarcal) et du productivisme écocide, sans chercher à les fusionner artificiellement. Elle ne prétend pas qu’il existe un seul système expliquant toutes les injustices, ni que toutes les luttes doivent se superposer. Elle reconnaît leur pluralité, leurs tensions parfois, mais cherche à en faire émerger une manière de les faire dialoguer, se renforcer mutuellement, s’inscrire dans des réalités partagées.
C’est un projet politique cohérent et concret, capable de renouer avec les classes populaires sans exclure les autres combats, en ancrant les transformations dans la vie quotidienne, les territoires et les communs.
C’est un chemin de recomposition politique et culturelle. Une stratégie de conciliation sans confusion. Un projet pour notre temps.
Le terme de post-croissance désigne l’entrée dans une ère que nous apprenons encore à nommer, mais qui rompt clairement avec celle que nous quittons : celle où la croissance économique était érigée en finalité politique, sociale et culturelle. Ce modèle touche à sa fin, non par accident ou par crise conjoncturelle, mais parce qu’il n’est plus viable à l’aune des limites physiques de notre monde et des aspirations humaines à une vie digne et reliée.
C’est avant tout une manière d’habiter le monde autrement. Elle propose une philosophie du lien, du temps retrouvé, de l’attention portée au vivant, à soi et aux autres. Elle redonne du sens aux gestes simples, à la satisfaction des besoins essentiels, à la place de chacun dans la communauté humaine et naturelle. Ce n’est plus la performance qui guide, mais la justesse.
Ce mode de vie n’appartient pas à un futur lointain : il existe déjà. Il se construit à travers des dynamiques locales, solidaires, souvent portées par un tiers secteur en plein essor — celui de l’économie sociale et solidaire, des coopératives, des communs, de l’action citoyenne. Ces expériences dessinent une société fondée sur la sobriété, l’autonomie, la coopération. Elles montrent que d’autres manières de produire, de consommer, d’échanger et de vivre ensemble sont non seulement possibles, mais désirables.
Les politiques publiques ont ici un rôle décisif à jouer pour accompagner, rendre possibles et durables ces alternatives. Cela implique une transformation profonde des priorités collectives : recentrer les politiques de solidarité, d’espace public, d’habitat, de santé, d’éducation ou de mobilité sur les personnes, les liens, la biodiversité. L’économie, la technologie ou l’aménagement du territoire ne disparaissent pas, mais cessent d’être le centre de gravité des décisions. Ils se redéfinissent en fonction de critères de mesure, de simplicité, de ménagement des individus et de la nature.
La post-croissance ne se limite pas à un ajustement technique ou à une simple révision ou changement des indicateurs. Elle ouvre un véritable chemin de réappropriation collective du sens de nos choix et de nos modes de vie. Elle invite à une réorientation lucide vers ce qui compte vraiment : préserver la vie, nourrir le commun, bâtir une abondance sobre.
Ce postcroissantisme s’appuie aussi sur des technologies choisies pour leur utilité sociale, leur sobriété énergétique, leur capacité à renforcer l’autonomie des personnes et des territoires. C’est par exemple la création de « communautés du faire », capables de répondre à la désindustrialisation par des formes nouvelles de production locale, circulaire, résiliente. Cela devient ainsi une revitalisation de la « diagonale des possibles », par la réappropriation de territoires délaissés, la revalorisation d’un immobilier vacant qui reprend de l’intérêt, ou encore par la démétropolisation — une redensification du tissu rural et des villes moyennes, via des pôles économiques satellites ancrés dans les besoins du quotidien.
Il ne s’agit pas d’un projet de repli ni de privation, mais d’un choix de société. Celui de ne pas administrer un monde à bout de souffle, mais de reconstruire un écosystème politique, social et territorial au service de la vie humaine, de la nature, et des générations à venir. C’est un pari sur le long terme, une orientation culturelle qui prendra du temps, peut-être plusieurs générations. Mais 2050 peut être une première étape et 2100 n’est plus si loin, et c’est à cette échelle que les scénarios se dessinent déjà. Il nous faut dès aujourd’hui planter des arbres, même si nous ne serons pas toutes et tous là pour les voir grandi.
Le Conseil fédéral des Ecologistes réuni le [date à compléter], décide de :
Affirmer une transformation civilisationnelle
• La post-croissance est une transformation du rapport au monde. L’économie omniprésente doit retrouver sa juste place : elle n’est pas un horizon, mais un outil.
• Le postcroissantisme propose un écosystème politique fondé sur la justice sociale, la solidarité, le partage, la réciprocité intégrant les enjeux d’adaptation et de transition — pour un avenir vivable et désirable pour les enfants d’aujourd’hui et de demain.
Penser une économie régénérative et solidaire
• Imaginer une économie citoyenne où, l’épargne est un outil de soutien aux initiatives locales et de toutes les proximités. Le crédit devient un levier pour encourager les investissements accompagnant l’essentiel, écologiquement responsables et enrichissants socialement. La dette est un engagement collectif au service d’un bien commun qui doit générer un impact positif pour un humain solidaire ; cet impact positif doit permettre le remboursement.
• Rompre avec une économie qui façonne les esprits et les structures sociales selon les logiques extractives.
• Construire une économie hybride où le pouvoir de la propriété exclusive perd son caractère absolu, où l’usage et le travail retrouve leur sens et le contrat social sa portée émancipatrice et solidaire.
Refonder la démocratie à partir des communs
- Transformer une envie en action. Une aspiration populaire doit pouvoir être formulée, discutée, confrontée aux savoirs, puis mise à l’épreuve du réel.
- Commencer par nommer les sujets. Avant de chercher des solutions, il faut identifier clairement les tensions et les enjeux de société.
- S’appuyer sur les militant·es de terrain. Leur connaissance des réalités locales et des dynamiques collectives porte une écologie des communs porteuse d’émancipation. Cette force peut faire émerger les vrais sujets.
Pour engager cette transformation : ouvrir un chantier politique structurant
Construire les conditions de conciliations politique multiples sans uniformisation ni simplification.
Mandater le pôle projet pour structurer une plateforme de concordance entre aspirations écologiques, sociales, culturelles et économiques portées par les mondes militants, syndicaux, associatifs et citoyens :
• Identifier les convergences dans les pratiques et récits de transformation ;
• Construire une mise en récit commune sans effacer les singularités ;
• Explorer les faisabilités à long terme et à court terme d’un projet politique post-croissant, conciliateur de tensions, ancré et crédible ;
• Proposer des outils pour dépasser les imaginaires de manque ou de sacrifice (ex : fresque de la post-croissance, cartes d’empreintes, récits…).
Ce chantier ne vise pas à figer le futur, mais à le rendre formulable et partageable. Il doit permettre un espace politique entier et vivant, où positionnement alternatif dans l’actualité, récits, méthodes et expérimentations se renforcent mutuellement.
Annexes
Les « communs » : une manière d’agir, de faire ensemble #commun #postcroissance
S’inscrivant dans le cadre plus large de la réflexion sur la postcroissance, ce texte n’a pas vocation à démontrer une vérité, mais à formuler une visée, une ambition.
Un commun, c’est ce qu’un groupe de personnes décide de gérer collectivement, selon des règles qu’ils choisissent eux-mêmes. Par exemple, un jardin partagé, un logiciel libre ou une bibliothèque autogérée peuvent être des communs — des « communs » parce qu’il a été décidé ensemble de les faire vivre selon la raison d’être de chaque collectif qui les anime.
Cette manière d’agir ensemble est différente de l’État ou de l’entreprise industrielle ou agricole, qui impose des règles de fonctionnement, et différente du marché, qui cherche surtout le profit. Le commun propose une autre voie : celle de la coopération, de la démocratie, et du partage ou de l’échange équitable.
Les communs c’est donc une manière de vivre, produire et décider collectivement – cela définit le tiers secteur qui existe comme une économie hybride entre privé et public … et cela change tout !
On pourrait parler d’économie collaborative … mais attention !
Le tiers secteur crée une chaîne de valeur ou chaque maillon doit rester dans la coopération sans but lucratif et c’est toujours la communauté qui collabore aux décisions et à la production. Le mot « partage » est à la mode. On parle d’économie collaborative, de covoiturage, de plateformes numériques… Mais souvent, ce monde collaboratif et de partage a un maillon faible et cache une logique commerciale. Des entreprises comme Airbnb ou Uber prétendent « mettre en commun », mais en réalité, elles privatisent le lien social et les « avantages qui vont avec.
Ce n’est pas juste une question de « nouvelles » technologies, d’organisation, c’est une question de justice sociale et d’autonomie.
Et la propriété dans tout ça ?
Le capitalisme fonctionne avec une idée forte : le droit exclusif de propriété qui garantit aux propriétaires la possibilité de décider de l’utilisation, la destination, le maintien de ses qualités et de la pérennité d’un bien — c’est-à-dire le droit et le pouvoir d’exclure les autres de l’usage d’une chose … sans cette garantie de posséder le capitalisme privé ou d’état ne pourrait pas exister.
Les communs proposent une autre vision : une propriété d’usage. Ce qui compte, ce n’est pas « à qui ça appartient », mais comment c’est utilisé et au service de qui. Une coopérative, une association, un habitat partagé… ce sont des formes de propriété collective ou partagée, où l’usage commun compose avec l’intérêt individuel et patrimonial.
Transformer la force destructrice du capitalisme en élan de coopération et de justice
Dans un monde où le capital dilapide ressources et droits au nom du profit, faire croître les communs, c’est retourner contre lui son propre élan : plutôt que de s’opposer frontalement, on canalise cette dynamique pour créer des espaces de coopération, de justice et de respect du vivant. À l’image de l’aïkido, art martial fondé sur l’harmonisation des forces, les communs redirigent les flux économiques et sociaux vers des usages partagés, démocratiques et durables. Mieux qu’une simple résistance, ils incarnent une riposte créative : en s’appuyant sur l’énergie du capitalisme, ils l’usent de l’intérieur jusqu’à vouloir transformer ses règles du jeu.
Le tiers secteur qui s’appuie sur des communs « naturés » et humanisés c’est une autre façon de produire, de consommer, d’habiter, de penser l’enfance et de proposer des solidarités alternatives sociales, culturelles, universalistes .C’est un modèle de coopération qui doit se donner les moyens de gérer les discordances par le lien et le droit. Sur un temps long il ouvre la possibilité de « dissoudre » le capitalisme à partir d’initiatives rejetant le principe de l’industrialisation centralisatrice. C’est la force d’une économie hybride résultant de ce mélange qui devra trouver un équilibre de société nouveau et apaisé … pour une autre façon de vivre
Les communs, ce n’est pas un concept abstrait ou réservé aux spécialistes. C’est une manière très concrète de reprendre la main sur ce qui nous concerne tous : notre nourriture, notre santé, notre savoir, notre habitat, notre énergie etc…
Cela fait partie de la réponse à la crise écologique, sociale et démocratique. C’est aussi une invitation à agir maintenant, ensemble, là où on est, avec ce qu’on a.