Fin de tutelle :

… on ne se laisse plus traire

Depuis trop longtemps, on nous raconte la société comme un tabouret à trois pieds.

L’État, le marché, et ce fourre-tout qu’on appelle la « société civile ». Cette trinité, hérité du XIXe siècle, ne tient plus debout. Aujourd’hui, tout s’entremêle, tout se connecte. Les frontières entre ces mondes sont devenues floues, poreuses. Surtout, ce modèle efface une chose essentielle : un syndicat, une ONG, une entreprise « responsable » ou un collectif local n’ont ni les mêmes objectifs, ni les mêmes façons d’agir.

Et si on partait du « Commun … politique » ?

Le Commun politique, c’est ce qu’on ne possède pas, mais qu’on habite. Prenez l’eau d’un village, qu’on gère ensemble pour éviter les pénuries ; une forêt qu’on préserve en impliquant habitants et naturalistes ; un logiciel libre, amélioré par des milliers de contributeurs à travers le monde. Personne n’en est propriétaire, mais chacun en est responsable. Le Commun politique ne se donne pas, il se construit — dans le temps, l’écoute, la confiance.

Là où le marché compte et divise, le Commun politique relie. Là où l’État administre et contrôle, le Commun politique invente. C’est une politique sans centre, où le pouvoir émerge de ceux qui agissent, pas de ceux qui possèdent.

Bon à savoir :
On peut confondre le commun, les communs et le « Commun » politique.
Le commun désigne ce que nous partageons — la terre, le langage, la ville, le monde.
Les communs sont les formes concrètes de gestion partagée : jardins collectifs, logiciels libres, coopératives.
Le « Commun » politique, lui, désigne la sphère où la société s’auto-organise, se gouverne et se reconnaît sans tutelle — un espace de souveraineté partagée,
où l’on décide ensemble de ce que l’on veut préserver et transmettre.

Quatre sphères pour une société équilibrée Pour qu’une société vive, il faut que ses quatre sphères respirent ensemble :

  • La sphère publique : l’État, les services publics. Elle protège l’intérêt général, mais doit aussi reconnaître et protéger le commun.
  • La sphère marchande : elle crée, elle innove, mais si on la laisse sans limites, elle étouffe le vivant. Son rôle ? Mettre sa créativité au service de la vie, pas de la captation.
  • La sphère sociale : associations, syndicats, collectifs. Ici, on agit ensemble, sans attendre ni mandat ni profit. C’est la sphère du faire, du soin mutuel.
  • La sphère du Commun : la plus fragile, la plus précieuse. C’est là qu’on cultive ce qui relie sans s’approprier — un jardin partagé, un espace culturel autogéré, une rivière qu’on protège ensemble. Sa gouvernance ? Horizontale, fondée sur la parole et la présence.

Vers une société post-croissante : rééquilibrer les pouvoirs Vivre dans un monde post-croissant, ce n’est pas renoncer, mais mesurer autrement. La puissance ne se compte pas en PIB, mais en capacité de soin partagé. Quatre souverainetés issues des quatre sphères doivent dialoguer :

  • La souveraineté publique : fondée sur le mandat collectif.
  • La souveraineté privée : fondée sur l’initiative et la responsabilité individuelle.
  • La souveraineté sociale : fondée sur la puissance d’agir ensemble.
  • La souveraineté du Commun : fondée sur la co-gouvernance et la non-appropriation.

Ces quatre voix ne s’opposent pas, elles se répondent. Elles entretissent la démocratie du vivant. ( voir : Rendre fluide et vivante les sphères et souverainetés politique)

Pourquoi reconnaître politiquement le Commun ? Le commun n’a pas besoin d’argent, il a besoin d’être reconnu — pas une subvention, mais une légitimité. La reconnaissance qu’il existe, qu’il agit, qu’il prend soin du monde autrement. Cette reconnaissance, c’est une protection : contre le marché qui privatise, contre l’État qui absorbe. C’est dire : « Vous avez le droit d’exister comme espace politique à part entière. »

Nommer le Commun, c’est déjà l’émanciper. C’est affirmer qu’une société peut s’organiser depuis la base, par la coopération et la responsabilité partagée. C’est offrir un cadre de confiance, sans contrôle, pour le vivant collectif.

En résumé : L’État administre, le marché produit, le social relie, et le Commun préserve et porte. Ces quatre mouvements forment le tissu vivant d’une société post-croissante. Quand l’équilibre revient entre eux, la démocratie retrouve ce qu’elle avait perdu : non pas le pouvoir de dominer, mais la joie d’agir ensemble.

C’est la fin de la tutelle, le début du Commun.


Exemples et réalisations :

https://postcroissance.org/basedeconnaissances/faisabilite-concordance/mer-de-liens-commun