[OTAN++ : penser le désaccord, repositionner l’Occident]
Une architecture de stabilisation stratégique pour un monde multipolaire
Chères et chers compagnonnes et compagnons,
Dans un contexte international fragmenté, où la défiance vis-à-vis de l’Occident grandit, je vous propose une réflexion politique et stratégique sur l’avenir de l’OTAN. Il ne s’agit pas d’en élargir la puissance, mais d’en approfondir la responsabilité.
La création d’une Chambre de stabilisation stratégique, adossée à une OTAN++ revisitée, permettrait d’accueillir les tensions sans les écraser, d’intégrer le désaccord comme levier de stabilité, et d’ouvrir un espace diplomatique inédit pour le dialogue structurant avec les puissances non alignées.
Nous vous transmettons ci-joint cette proposition, construite comme une motion. Elle appelle à penser autrement la place de l’Occident, à refonder une diplomatie de la parole, et à stabiliser sans dominer.
Dans l’attente de vos retours et contributions,
Bien à vous,
Christian OLIVE
proposition de motion
Résumé / Contexte
Sur la scène mondiale, les États-Unis conjuguent puissance matérielle et autorité morale, imposant un « ordre » où le désaccord devient suspect. Cette prétention normative masque la brutalité des rapports de force. En miroir, la Russie, hantée par l’encerclement et la trahison, cultive la paranoïa du traître intérieur, où toute critique devient preuve de complot.
Dans ce double enfermement, la guerre en Ukraine n’est pas seulement un affrontement territorial : elle est le symptôme d’un monde qui ne sait plus se parler sans se détruire.
Face à cela, nous appelons à une transformation politique de l’Alliance atlantique : une OTAN++, recentrée sur sa raison d’être originelle (le traité de 1949), et élargie par la création d’une Chambre de stabilisation stratégique.
Exposé des motifs
Accueillir la discorde pour une politique du vivant
Nos sociétés tendent à exclure le désaccord, à invisibiliser la fragilité, à neutraliser la tension. Ce réflexe, hérité d’un modèle dominant normatif, produit de la violence sourde, de la désocialisation, du ressentiment. Même les institutions démocratiques peinent à structurer le conflit : elles le traitent comme un dysfonctionnement.
Mais la vie, comme la démocratie, repose sur la tension, la diversité, la conflictualité assumée. C’est pourquoi nous appelons à une diplomatie du désaccord, qui ne cherche ni la fusion des récits, ni la conversion de l’autre, mais leur cohabitation dans un cadre stabilisant.
La Chambre de stabilisation stratégique
Cette Chambre, rattachée à l’OTAN++ mais extérieure à ses mécanismes de décision, ne serait ni une enceinte représentative, ni une cour de réconciliation. Elle incarnerait une architecture de confrontation maîtrisée : un lieu où les puissances non membres – même hostiles – pourraient faire entendre leurs récits, sans y être intégrées ni disqualifiées.
Elle reconnaîtrait les pathologies stratégiques de notre temps : l’arrogance universaliste américaine, le rejet paranoïaque russe, mais aussi les tensions culturelles, mémorielles et économiques d’un monde devenu indécidable. Elle ne les résoudrait pas, mais les rendrait audibles dans un espace préventif, non belliqueux.
Loin d’affaiblir l’Alliance, la Chambre permettrait de l’ancrer dans le siècle du pluralisme conflictuel ; elle offrirait un espace pour accueillir et encadrer les discordes, non pour les effacer, mais pour les contenir avant l’escalade
La Chambre de stabilisation stratégique part du constat que la paix n’est pas l’effacement du conflit. Elle incarne une stratégie d’anticipation politique, en amont des réflexes de réduction des tensions ou de compensation des déséquilibres.
C’est un espace d’évitement sans renoncement, de ménagement sans capitulation, où le désaccord est assumé — non pour être dépassé ou résolu, mais pour s’inscrire durablement dans un cadre de coexistence, sans fusion ni domination.
Texte de la motion
L’OTAN, dans sa forme actuelle, fonctionne dans un climat de défiance croissante. Elle projette un modèle sécuritaire puissant, mais perçu par beaucoup comme conditionnel, déséquilibré, voire hégémonique. Les partenariats existants, comme le Dialogue méditerranéen ou le Partenariat pour la paix, restent marqués par des rapports asymétriques et une faible prise en compte des intérêts locaux.
Or, la sécurité du XXIe siècle ne peut plus se construire sur la seule dissuasion. Elle impose de maîtriser la discorde, pas de l’exclure. Il faut des lieux où l’altérité puisse se dire sans être aussitôt réduite ou contournée.
Nous appelons à une OTAN++ :
→ non comme élargissement militaire,
→ mais comme extension politique, par l’institution d’une Chambre de stabilisation stratégique.
Cette Chambre accueillerait les tensions avant qu’elles ne dégénèrent. Elle permettrait à des puissances critiques – non membres – d’exister dans l’espace atlantique sans y être absorbées, dans une logique d’écoute sans illusion, de confrontation sans guerre.
Il ne s’agit pas de proposer une paix naïve. Mais de concevoir une diplomatie du désaccord, structurée, exigeante, où la parole devient un outil de stabilisation, pas d’effacement.
Ainsi conçue, l’OTAN++ n’amoindrit pas l’Alliance : elle l’élève. Elle passe de l’unanimité imposée à la pluralité contenue ; de l’influence à l’interpellation. Elle assume qu’il n’y a plus de paix sans reconnaissance du conflit — ni de stabilité sans formes pour l’accueillir.
ANNEXES
Accueillir la discorde : pour une société du vivant, – Post croissance-frugalité
Références :
L’avenir de l’OTAN : les regards académiques – IRSEM Ce document met en lumière les débats sur une « alliance globale » et les risques de transformation de l’OTAN en un « gendarme du monde », avec des rapports de force déséquilibrés. Certains chercheurs y dénoncent l’élargissement des missions de l’OTAN comme une perte de sa vocation initiale de défense collective.
L’OTAN est-elle encore l’OTAN ? – Cairn.info Une analyse institutionnelle qui montre comment l’OTAN est devenue un opérateur généraliste de sécurité internationale, avec des interventions qui dépassent largement son mandat initial. L’article souligne que ces évolutions peuvent renforcer les asymétries de pouvoir entre membres et partenaires.
Contre l’OTAN – Sevim Dağdelen Un essai critique qui accuse l’OTAN d’être un instrument de domination américaine, responsable de guerres illégales et de violations du droit international. L’auteure y dénonce les effets de la militarisation sur les sociétés partenaires et la perte de souveraineté des États européens.
Les relations transatlantiques – Mister Prépa Cet article revient sur les ambiguïtés et déséquilibres dans les relations entre les États-Unis et leurs alliés européens, notamment à travers le concept de burden sharing et l’extraterritorialité du droit américain, qui remet en cause la souveraineté des partenaires.
Ces analyses montrent que si l’OTAN revendique des partenariats fondés sur la coopération, la réalité est souvent marquée par des rapports asymétriques, des priorités imposées, et une influence stratégique dominante des grandes puissances.
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