Amplifier localement la vigilance éthique et environnementale sur les produits que nous utilisons
Dans un monde marqué par la surconsommation, l’extraction massive de ressources naturelles et les chaînes de production globalisées, il devient urgent de mettre en place des repères pour agir localement avec une conscience globale. Cet article propose des pistes pour comprendre et agir sur les empreintes multiples (matières, carbone, eau, biodiversité, sol), à travers une logique de justice environnementale et sociale. Il s’adresse à des militant·e·s en recherche d’outils, de références et de cadres pour construire des actions collectives ancrées dans les territoires.
Comprendre les « empreintes »
L’empreinte n’est pas qu’écologique ou carbone. Elle peut être :
- Empreinte matière : mesure des ressources abiotiques et biotiques nécessaires pour produire les biens consommés dans un pays (12,5 tonnes/hab/an en France).
- Empreinte eau : volume total d’eau douce utilisée pour produire un bien ou un service (ex : 10 000 litres d’eau pour un jean).
- Empreinte sol : surface agricole et forestière mobilisée.
- Empreinte biodiversité : degré d’atteinte aux milieux vivants, souvent invisible mais déterminante.
Agir sur les empreintes, c’est interroger notre consommation, mais aussi la façon dont nos territoires sont organisés, nos infrastructures, nos industries. (voir section pour aller plus loin en fin d’article)
Pourquoi agir localement sur ces enjeux globaux ?
Parce que les biens que nous consommons ont une histoire qui commence ailleurs, souvent dans le Sud Global. Que ce soit pour extraire un métal, cultiver une fibre textile ou produire un élément électronique, nos modes de vie s’appuient sur des injustices sociales et écologiques. Agir localement, c’est choisir de ne plus fermer les yeux.
Pistes d’action à l’échelle communale et territoriale
- Mettre en place un plan communal de vigilance écologique et sociale sur les achats publics et les projets de territoire.
- Former les agents publics, les élu·e·s et les associations locales à la lecture des différentes empreintes.
- Utiliser les clauses sociales et environnementales dans les marchés publics pour exclure les entreprises non vertueuses.
- Cartographier les flux entrants et sortants (alimentation, matières, déchets, énergie) pour objectiver les dépendances.
- Faire vivre la loi sur le devoir de vigilance au niveau local : en tant qu’acheteurs publics, les communes peuvent exiger une transparence sur les chaînes d’approvisionnement.
Un levier fort : le jumelage éthique avec une ville du Sud Global
Pour aller plus loin, certaines collectivités engagent un jumelage thématique et politique avec une ville du Sud concernée par l’extractivisme, l’agrobusiness ou la production textile.
Objectifs d’un tel jumelage :
- Mettre en lumière les interdépendances entre consommation ici et exploitation ailleurs.
- Soutenir des projets de justice sociale (syndicats, accès à l’eau, autonomie énergétique…)
- Organiser des échanges entre habitant·e·s, élus, chercheurs et ONG pour une compréhension mutuelle des enjeux.
- Bâtir une mémoire commune et des mobilisations croisées.
Exemples d’axes :
- Commune française mobilisée pour la sobriété électronique => jumelage avec une ville minérale extractive.
- Collectif textile =>lien avec travailleurs du secteur au Bangladesh ou Burkina Faso.
- Commune en transition alimentaire => partenariat avec une zone impactée par l’agriculture d’exportation. (cela peut être en France métropolitaine ou d’outre mer)
- Commune utilisant des pesticides => jumelage avec une ville impactée par l’extraction et la transformation du phosphate (Gabès)
Le jumelage éthique est une manière concrète et humaine de relier les luttes, de construire des solidarités durables.
D’autres propositions concrètes pour avancer
- Créer un observatoire local ou régional des ressources (eau, sol, minerais, matières importées).
- Soutenir des recherches et des initiatives sur la séparabilité des composants pour une vraie circularité des matières.
- Mettre en place une agence publique européenne chargée d’objectiver l’usage des ressources et de les mettre en rapport avec des besoins humains essentiels.
- Interdire l’exportation des déchets hors de l’UE.
- Exiger un droit de jouissance inaliénable des ressources par les peuples des territoires d’extraction.
Cet article n’a pas vocation à poser des dogmes, mais à outiller des engagements adaptés aux réalités locales et à faire vivre des formes de solidarités internationales renouvelées. Les collectivités, les associations, les collectifs citoyens ont ici un rôle-clé à jouer.
Agir sur les empreintes, c’est reprendre la main sur ce que nous sommes, et sur le monde que nous construisons.
Pour aller plus loin : Comprendre les différentes « empreintes »
- Empreinte matière
Elle mesure toutes les ressources naturelles (minerais, bois, produits agricoles…) qu’il faut pour fabriquer les objets que nous consommons. En France, c’est environ 12,5 tonnes par personne et par an.
Voir la fiche officielle sur l’empreinte matière – Données et études statistiques (SDES) - Empreinte eau
C’est toute l’eau douce utilisée pour produire un objet ou un service, y compris dans d’autres pays. Exemple : il faut 10 000 litres d’eau pour fabriquer un jean (culture du coton, teinture, lavage…).
Comprendre l’empreinte eau – Water Footprint Network (en anglais)
Empreinte eau en agriculture – FAO - Empreinte sol
Elle indique combien de surface agricole ou forestière est utilisée pour produire ce qu’on consomme, y compris à l’étranger. Elle aide à évaluer notre impact sur la disponibilité des terres.
Empreinte terrestre – Rapport IPBES sur l’usage des terres (FRB) - Empreinte biodiversité
C’est l’impact (souvent invisible) de nos modes de vie sur les écosystèmes et les espèces vivantes. Pollution, surexploitation, destruction d’habitats entraînent un déclin massif de la biodiversité.
IPBES – Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité
Biodiversité et empreinte humaine – OFB (Office français de la biodiversité) - Empreinte carbone
Elle mesure les gaz à effet de serre émis sur tout le cycle de vie d’un bien (production, transport, usage, fin de vie). C’est un indicateur essentiel face au dérèglement climatique, mais il ne suffit pas à lui seul.
Base Carbone – ADEME
Empreinte carbone de la consommation – Haut Conseil pour le Climat